Pétrole, putsch, propagande et manipulation, la dangereuse rhétorique de Zazia Bazoum

Échos Tribune Opinion/Tribune

Chaque victime de cette crise a son propre récit de souffrance ; présenter celui de la famille présidentielle comme primordial est à la fois égocentrique et réducteur. L’affirmation de Zazia Bazoum selon laquelle son père était « démocratiquement élu » et était le « choix du peuple » ne donne pas un blanc-seing pour gouverner sans contrôle, et la démocratie ne repose pas uniquement sur des élections, mais également sur la manière dont le pouvoir est exercé. Se prévaloir de la légitimité électorale ne garantit pas une gouvernance irréprochable.

Dans l’effervescence médiatique actuelle, la lettre ouverte de Zazia Bazoum, fille de l’ancien président Mohamed Bazoum, dans Le Figaro est indéniablement chargée d’émotion. Cependant, son argumentation simpliste manque de nuance et de profondeur, et est une tentative flagrante de monopoliser le récit de la crise politique au Niger. Si sa situation personnelle est indéniablement touchante, son appel est truffé d’omissions, d’exagérations et d’une dangereuse simplification. Sa situation ne devrait pas être utilisée comme l’unique prisme à travers lequel on analyse la situation qui prévaut en ce moment au Niger. Premièrement, l’accent presque narcissique mis sur la ‘’souffrance’’ de la famille Bazoum réduit une crise nationale complexe à un drame familial.

L’insinuation selon laquelle l’intérêt pour le pétrole nigérien est au cœur du coup d’État relève de la spéculation

L’arrestation de « plus de quarante hauts cadres de l’État » n’apporte pas nécessairement la preuve d’une gouvernance vertueuse ; elle pourrait tout aussi bien être interprétée comme un moyen de consolider le pouvoir à travers une lutte en trompe l’œil contre la corruption qui a gangrené le Niger de haut en bas sous la Renaissance. L’insinuation selon laquelle l’intérêt pour le pétrole nigérien est au cœur du coup d’État relève de la spéculation, voire de la théorie du complot. Avancer de tels arguments sans preuve solide est non seulement imprudent, mais aussi potentiellement trompeur. Si tel était le cas, l’argument mériterait d’être développé avec des preuves tangibles plutôt que de rester au niveau des insinuations. De tels arguments, sans preuves concrètes, ne font qu’obscurcir davantage le tableau plutôt que d’éclairer le débat.

La mention des liens des putschistes avec Wagner semble également être une tentative maladroite d’attirer l’attention internationale, en jouant sur les peurs liées à la sécurité régionale. Un appel en vérité plus calculé qu’authentique. Le Sahel est un foyer d’instabilité, et tenter d’utiliser cette précarité pour galvaniser un soutien international est à la fois réducteur et opportuniste. De plus, la manière dont Zazia Bazoum dépeint les auteurs du coup d’État frise le mépris. Dans une situation aussi complexe, la vérité n’est jamais unidimensionnelle. Elle aurait dû faire preuve de davantage de retenue et d’objectivité pour éviter d’être accusée d’utiliser sa plateforme pour des raisons purement personnelles et émotionnelles. Enfin, le triomphalisme avec lequel elle décrit les réalisations de son père semble déplacé, voire exagéré.

La véritable mesure d’une gouvernance efficace ne se limite pas à une liste de réalisations, mais à la manière dont elle impacte réellement la vie quotidienne des citoyens. En somme, cette lettre, bien que touchante à première vue, est en réalité une œuvre de propagande qui sert les intérêts d’une famille et non ceux du Niger. Une approche plus nuancée et moins émotionnelle serait non seulement plus crédible, mais aussi plus bénéfique pour le pays.          

Soumana Idrissa Maïga (L’Enquêteur du mercredi 23 août 2023)                                                                             

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