Fermée le 31 mars dernier pour épuisement du minerai et chute des cours du marché de l’uranium, la Compagnie Minière d’Akouta (Cominak) a lancé son projet de Réaménagement du Site (Rds) depuis le mois d’avril dernier. Seulement, Les travaux les plus importants de ce projet évalué à 95 milliards excluent les entreprises locales d’Arlit.
(Les Échos du Niger 20 déc)Un budget de 95 milliards de francs CFA a été arrêté par le conseil d’administration de la Cominak pour ce réaménagement dont certains travaux ont déjà débuté. Réunis dans un consortium dénommé Groupement des Entreprises du Département d’Arlit (Geda), les entreprises locales, au nombre de 150 se disent inquiètes quant à leurs participation à ce réaménagement alors même qu’elles se sont préparé de longue date pour ce projet. La raison de cette inquiétude, les premiers appels d’offres du Rds comportent des critères « anormaux de nature à écarter les entreprises locales » nous fait savoir un membre du consortium. Parmi ces critères, « l’exigence d’une disposition de liquidité ou ligne de crédit de trois cent millions (300 000 000) de francs CFA » peut-on voir dans le cahier de charge des travaux « lot 2 zone industrielle» (démantèlement du bâtiment bureaux production et services techniques) auquel Les Échos du Niger a eu accès. Pour le démantèlement « usine lot 3, génie civil », l’exigence est d’un milliards (1 000 000 000) d FCFA.

Outre ces restrictions d’ordres financières, « les appels d’offres sont transmis au groupement Geda de plus en plus en retards » nous indique un autre membre du consortium. En avril dernier, quelques semaines après la fermeture de la mine « un appel d’offre a été transmis au groupement par le service d’achat de Cominak le 19 avril, figurez-vous pour un délai de clôture de 48 heure c’est à dire le 21 avril » nous confie la même source. « Si vous connaissez ce que demande les dossiers d’appel d’offre des entreprises minières d’un point de vue technique, vous comprendrez qu’il y’a de la mauvaise foi qui ne dis pas son nom » souligne l’entrepreneur sous-traitant. Selon notre source, certains cadres de la Cominak voient d’un mauvais œil la création de ce consortium qui contrarie leur dessein prébendiers dans le cadre de ce Rds. Le 29 avril 2021, dans une lettre adressée à la Direction General de la mine d’Akouta dont nous avons eu copie, le préfet du département d’Arlit Nafana Mayaldou, a fait cas d’une tentative de dislocation du consortium Geda dont l’objectif serait d’exclure les entrepreneurs locaux du processus du Rds. « Il m’a été malheureusement rapporté que plusieurs tentatives de dislocation du groupement Geda ont eu lieu par certains responsables de Cominak », indique la lettre. « Monsieur le Directeur General, dans le souci de préserver la quiétude sociale en ce moment si particulier de la vie de Cominak dans notre département, j’en appel à votre sens de responsabilité pour corriger ces manquements » souligne la première autorité locale du département d’Arlit. Cette dernière conclu « Je vous exhorte à rester dans l’esprit des attentes des autorités nigériennes en générale et départementales en particulier, qui consiste à tout mettre en œuvre pour que le Rds Cominak soit une réussite en impliquant tous les acteurs locaux ». Après ce qui semble être une mise en garde, du préfet d’Arlit c’est au tour d’un député de la circonscription d’Arlit, Bachir Sidi Abdoul Aziz de soulever la question à l’Assemblée Nation le 5 juin dernier en interpellant la ministre des mines Mme Ousseini Hadizatou Yacoubou sur la question. Pour autant, la situation a-t-elle changé sur le terrain? Nous avons posé la question au secrétaire du consortium Geda Omar Djibji Directeur General de la Société de Gestion des Déchets Industriels SOGEDI. Selon lui « à ce jour (7 octobre), parmi les premier contrats qui ont été lancé les entreprises locales ont pu s’octroyer quelques-uns dans le domaine de l’entretien des véhicules, et la mise à disposition des engins. On peut donc estimer qu’il y’a un résultat par rapport à la lutte que nous avons mené » indique l’entrepreneur. Toutefois, ce résultat n’est pas satisfaisant « les entreprises locales doivent participer aux grands travaux du réaménagement en tant que tel c’est à dire la désinstallation de l’usine et le réaménagement du site » pense le patron de SOGEDI.

Du côté de la Direction de la Cominak l’on estime que les entreprises locales n’ont pas les compétences techniques requises pour les grands travaux de réaménagement. « La Cominak est en train d’attribuer les contrats aux entreprises locales par rapport à ce qu’elles peuvent faire mais soyons honnêtes il y’a des travaux pour lesquelles elles n’ont aucune compétence. Je prends un exemple en ce qui concerne la désinstallation de l’usine, pour le traitement du transformateur par exemple, pensez-vous qu’il y’a des entreprises ici à Arlit capable de le faire? Non je vous le dit parce que nous les connaissons toutes » martèle un haut responsable des sociétés minières qui a accepté de témoigner sous anonymat. Du côté de Geda l’on n’est pas de cet avis. «Le groupement Geda avec ses 150 entreprises, regroupe tous les corps de métier et un bureau d’étude permettant de faire les meilleures offres techniques » indique le secrétaire général du groupement. Omar Djibji d’ajouter « faire appel à des entreprises extérieures serait une fuite de capitaux pour le pays dans la mesure où ces entreprises extérieures elles-mêmes une fois surplace ici engageront de la main d’œuvre locale elles n’apporteront pas grand-chose ». Dans ces conditions il est « préférable de confier les travaux aux entreprises locales, à celles-ci de faire venir en ce moment par exemple une entreprise française pour les compétences ou du matériel dont elles ne disposeraient pas » pense le porte-parole du consortium Geda.

Au centre de ce bras de fer, la société civile d’Arlit préoccupée par les conséquences environnementales générées par 47 ans d’exploitation minière à Arlit. Pour Almoustapah Allacen président de l’Ong Aghirin’man oeuvrant dans la protection de l’environnement, « ce projet de Rds risque d’être un fiasco environnemental ». Pour l’ancien cadre de la Société des Mines de l’Aïr (Somaïr) et coordinateur de la société civile d’Arlit, le Rds Cominak intéresse uniquement pour les ressources financières qu’il prévoit. Pour Almoustapha Allacen « que ce soit les entreprises externes ou les entreprises locales ce qui les intéressent, c’est l’argent qu’elles vont gagner et non pas le souci de bien faire » pense le radiologue à la retraite. Du reste, ce projet de réaménagement est perçu pour les autorités locales comme une occasion pour les entreprises d’Arlit d’acquérir des compétences techniques leur permettant de prendre en charge les réaménagements de sites minières à venir à Arlit et même hors du Niger. De façon détaillée le Rds Cominak comprend le réaménagement de la mine souterraine, le traitement des bassins d’exhaures et des eaux usées, le démantèlement des installations de l’usine de traitement et l’enfouissement de plus de 20 millions de tonnes de résidus radioactifs. Amorcé en avril 2021 le réaménagement du site de la Cominak devrait s’achever en décembre 2032 soit 10 ans de travaux.
Youssouf Sériba