Santé : Couverture sanitaire universelle  et lutte contre la pauvreté au Niger

Santé

Au Niger, la couverture sanitaire universelle (CSU) est un des défis cruciaux auxquels l’État et ses partenaires tentent  d’apporter une amélioration afin de garantir le droit à la santé pour la population nigérienne conforment à la constitution du 25 novembre 2010. Située à un taux de 53 %,  la CSU au Niger est l’une des plus faibles au monde. A travers une Stratégie Nationale CSU 2021-2030, le  gouvernement tente de rehausser la CSU. Cette nouvelle stratégie passe par la révision de la gratuité qui a selon les autorités sanitaires a montré des limites, le renforcement du cadre intentionnel de gestion et de suivi de la CSU.

Selon l’OMS, la couverture sanitaire universelle (CSU) consiste en ce que chaque individu dans un pays donné ait accès à tout l’éventail des services de santé de qualité dont elle a besoin, au moment et à  l’endroit où elle en a besoin, sans que cela génère pour elle de difficultés financières. Elle englobe la gamme complète des services de santé essentiels tout au long de la vie, notamment la promotion de la santé, la prévention des maladies, les traitements etc.

La CSU vise à protéger les populations des conséquences financières du paiement des services de santé à leur charge afin de réduire le risque qu’elles sombrent dans la pauvreté du fait d’une maladie. Elle,  se présente ainsi comme un outil permettant de combattre  la pauvreté.  

Au Niger selon le Ministre de la santé publique de la population et des affaires sociales, la couverture sanitaire « est basée sur trois piliers à savoir l’offre de soins et services de santé de qualité à travers la mise en place des médicaments, des agents de santé en qualité et en quantité et qu’ils soient en mesure de donner des soins curatifs, des soins préventifs, des soins promotionnels ; les déterminants de la santé pour lesquels la stratégie a retenu différents domaines : la nutrition, l’accès à l’eau potable, l’hygiène, l’assainissement, lutte contre la pollution et un troisième pilier la protection financières des usagers ».

Pour la représentante de l’OMS au Niger, Dr Anya Blanche, « la protection sociale en santé est un des thèmes prioritaires de notre organisation et du pays, dans lequel nous sommes, à cet effet, cela se traduit chez nous, en termes de concept de la couverture sanitaire universelle. Pour l’OMS la protection sociale consiste à l’accès de toute la population aux services de santé de qualité sans aucune difficulté financière » explique Dr Blanche Anya.

Malgré les efforts de l’État et de ses partenaires dans le sens de l’amélioration de la CSU au Niger, celle-ci est à un taux de 53% selon le ministère de la santé. L’accès aux soins de santé de qualité demeure un des principaux problèmes sociaux dont se plaignent une bonne partie des populations nigériennes.

Les ménages  nigériens dépensent beaucoup pour accéder aux soins. C’est d’ailleurs le constat qui se dégage en ce qui concerne le cas du paludisme qui constitue la première cause de morbidité au Niger.

Le paludisme au Niger, un fardeau économique…

Selon le bulletin d’information ‘’Climat et Santé’’ dans sa parution de juin 2022, « les dépenses des ménages pour le traitement des cas de paludisme avoisinent les ½ milliards soit 476 962 500 FCFA ». Conclusion : « l’élimination de cette maladie pourrait être une voie pour le développement au Niger et l’épanouissement des ménages où cette maladie fait des ravages » peut-on lire dans le bulletin coédité par les services du ministère de la santé.

Extrait bulletin climat et santé

Ce fardeau économique du paludisme malheureusement dans certains ménages, se traduit par des drames. C’est le cas  pour Libabatou Ali, une jeune femme de la trentaine que nous avons croisée à Limantchi, un quartier de la commune urbaine de Maradi. Elle a perdu sa fille Samira qui est morte du paludisme au CHR de Maradi au mois de juillet 2022. Faute de moyen, elle n’avait pas voulu amener sa fille à l’hôpital pendant plus de 3 jours alors que celle-ci agonisait sur son lit à domicile.  Face à la gravité de l’état de santé de Samira, sa mère se résout à l’amené à l’hôpital le 4e jour. « Elle avait beaucoup de fièvre, nous l’avons amené au CSI les médecins l’ont consulté pu nous ont référé au CHR, arrivée là-bas on lui a fait une perfusion, son père est allé acheter les médicaments et avant son retour elle est décédée » nous explique la jeune femme. Mère de six filles traumatisées par cette expérience Libabatou a peur pour ses enfants et en appel au gouvernement pour l’amélioration de la santé infantile. « Je demande aux autorités d’avoir pitié de nous et créer les conditions de meilleurs services dans nos hôpitaux et les doter en médicaments » plaide Libabatou. Cette situation soulève d’office la question de la gratuité des soins pour les femmes et les enfants, un des piliers de la CSU au Niger.

Libabatou

Pour Sani Dalibi, un père de famille croisé au quartier YanBalbelou toujours dans la commune urbaine de Maradi, la gratuité est plus folklorique que réalité. Ce commerçant en faillite et père de trois enfants a vu aussi son fils d’à peine six ans Abdoul Moumouni mourir du paludisme au mois de juillet qui constitue la période pic du palu. « J’ai amené mon fils au centre Zariah, au CSI Yan Balbelou et au CHR et dans tous ces hôpitaux j’ai payé tous les soins. Au CHR de Maradi les médecins m’ont fait acheté les médicaments contre le palu et  j’ai payé aussi 1000 francs pour une injection » nous confie Sani Dalibi. Cette situation des ménages de la région de Maradi, ne sont pas des cas isolés. Le dysfonctionnement de la garuité se constate dans l’écrasante majorité des centres de santé à travers le pays. Au ministère de la santé, on est passé aux aveux d’échecs et l’heure est à l’exportation de solution alternative.

Réadaptation de la gratuité pour une meilleure efficacité…

Selon le ministre de la Santé Dr Idi Illiassou Mainassara, « la politique de la gratuité a montré ses limites par ce que, de part et d’autres, les acteurs (population, agent de santé, État) ne jouent pas leur rôle, et c’est ce qui a fait que cette gratuité est confrontée à des problèmes avec beaucoup d’arriérés d’impayés, ainsi que des factures mal émises ». A déclaré le ministre de la santé en mai 2022 dans un point de presse à l’occasion de la conférence internationale sur la protection sociale en santé tenue à Niamey.

Afin de redonner à la gratuité toute son efficacité au service d’une meilleure CSU, le ministre a annoncé une « rationalisation des régimes de gratuité pour les réduire progressivement et définir ses vraies cibles ».

Dans le même ordre d’idées, un Institut National d’Assistance Médicale (INAM) a été mis en place en début d’année et va gérer tout ce qui est prise en charge de la gratuité. Cette institution a pour mission principale la mise en œuvre des politiques, des stratégies et des reformes relatives au financement et à la gestion déléguée de la prise en charge de la gratuité par l’État et les Collectivités Territoriales de la gratuité de soins en santé au profit des populations vulnérables du Niger.

Selon la représentation de l’OMS au Niger, pour assurer une CSU effective, quatre piliers sont essentiels.Dans le même ordre d’idées, un Institut National d’Assistance Médicale (INAM) a été mis en place en début d’année et va gérer tout ce qui est prise en charge de la gratuité.

S’agissant de l’implication des communautés, quelques modèles de réussites sont reconnus par l’État et ses partenaires, notamment dans la région de Dosso précisément « les départements de Gothèye, Dioundou et Gaya.

Le cas du District Sanitaire d Gaya considéré comme l’exemple le plus illustratif de l’implication des communautés pour une meilleure a été salué par le président de la République Mohamed Bazoum en octobre dernier à l’occasion d’une visite de travail dans le département.

Il s’agit d’une couverture maladie départementale mise en place par le District avec une souscription à 6 000 FCFA soit environ 9 euros, dont 50 % subventionné par la coopération Belge au Niger Enabel.

Cette souscription donne droit à une prise en charge sanitaire intégrale pour chaque personne détentrice de la carte dans tous le centre de santé du département de Gaya.

Le 16 janvier dernier, le chef de l’Etat a présidé une réunion sur la CSU qui a mobilisé les membres du gouvernement et les partenaires intervenant sur le thème. A l’issue de celle-ci, « il est convenu qu’il faut également essayer de reformer et de renforcer ce qui est en train de se passer parce qu’il y a des expériences très prometteuses. Notamment au niveau du district sanitaire de Gaya pour laquelle ils sont en train de mettre en place une assurance-maladie départementale qui est en train de se passer dans le secteur informel pour les populations en zones rurales ».

En attendant les résultats des nouveaux dispositifs pour l’amélioration de la Couverture sanitaire universelle au Niger, les attentes des populations en matière de santé deviennent de plus en plus exacerbées par une croissance démographique des plus galopantes au monde. Ce qui souvent annule les efforts du gouvernement et ses partenaires.

Ce reportage a été produit avec l’appui de Speak-Up Africa dans le cadre du programme Lines of Impact.