Lancée le 5 novembre dernier par le Premier ministre Ohoumoudou Mahamadou, la justice vient d’ordonner ce lundi 13 février la suspension de la mine de Dassa détenu par le canadien Global Atomic Corporation à travers sa filiale nigérienne SOMIDA SA.
Cette décision fait suite à une assignation en référé portée par un collectif d’ONG à la veille de la mise en exploitation de la mine en novembre 2022. Il s’agit des ONG « Conseils Citoyens pour les Consommateurs Que Choisir » ; « Tankara » et « ACP Alher ».
Le juge des référés du tribunal d’Agadez dans sa décision dont Les Échos du Niger a eu copie a déclaré « bien fondées » toutes les demandes introduites par les requérants. Ce dernier « ordonne à la Société des Mines de Dassa (SOMIDA SA), la suspension des opérations d’exploitations de la mines sise sur le site Emoles 4».
Le tribunal a également statué sur l’opacité qui a caractérisé l’étude d’impact environnemental et « ordonne la publication du rapport de l’étude d’impact environnemental et éventuellement son expertise et sa contre-expertise ».
Par ailleurs, le juge « ordonne, la publication du cahier des charges, notamment son contenu local ; et ordonne le suivi et l’évaluation par les acteurs de la société civile ».
Une décision historique…
Contre toute attente, mais considérant sans doute les enjeux en cause et les leçons des expériences minières passées (Cominak s’entend.), le Tribunal « condamne la Société des Mines de Dassa (SOMIDA SA) et l’État du Niger aux dépens » peut-on lire dans l’attestation d’ordonnance rendue.

Cette décision du Tribunal d’ Agadez sous réserve d’une probable interjection en appel de la SOMIDA et son partenaire État du Niger dans les jours à venir, revête un caractère historique. Selon M. Rahmar Ilatoufeg figure de la société civile d’Arlit membre du collectif à l’origine dudit référé, cette décision est en soit une victoire quelle que soit l’issue que prendrait la suite de la procédure. Pour lui, il faut que les communautés soient plus impliquées dans les processus d’études d’impact environnemental « les populations ne sont pas conviées aux audiences publiques et les ateliers de validation sont devenus des ateliers où l’on corrige des fautes d’orthographe et de grammaires au lieu de poser clairement le débat sur le cahier des charges et le contenu local au profit des communautés locales » fustige l’acteur de la société civile.
D’un volume de 300 pages selon nos informations, le rapport d’étude d’impact environnement de la mine de Dassa est séquestré au ministère de l’environnement et à la préfecture de Tchirozerine. Pour Almoustapha Allacen président d’Aghirin’man une organisation de défense de l’environnement basée à Arlit « il faut changer cette façon de faire si l’on veut faire de la transparence. Ce document contient des données scientifiques et si nous devons apporter une critique ou vérifier la conformité des informations contenues dans ce document, il faut que nous disposions de celui-ci » fait savoir M. Almoutapha. Du reste, le certificat de conformité environnementale qui conditionne la mise en exploitation d’une exploitation minière à grande échelle a été accordé à la SOMIDA, mais dans quelles conditions et à quel prix ?
Le BNEE, fait-il un travail sérieux dans les mines au Niger?…
La décision du Tribunal d’Agadez, en plus de son caractère historique, jette le doute sur des institutions de l’État dont le rôle de veille est ainsi remis en cause. Le Ministère de l’Environnement, défend-il les intérêts de l’environnement ? Le Bureau National d’Évaluation Environnementale, fait-il un travail sérieux ? Telles sont les questions que nous sommes en droit de nous poser.

Selon un expert en droit minier interrogé par les Échos du Niger qui a souhaité ne pas décliner son identité dans nos colonnes, cette décision du Tribunal pourrait entraîner la reprise de l’étude d’impact environnementale par le jeu de la contre-expertise ordonnée par le juge.
Au demeurant, cette même décision remet en cause l’autorisation d’exploitation de la mine en ce sens que le certificat de conformité environnementale au regard du jugement rendu a été délivré sur une fausse base nous explique la même source.
En tout état de cause, «cette affaire est déclenchée et elle ira très loin, nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout, même s’il faudra saisir les tribunaux au-delà du Niger les organisations de la société civile sont prêts à y aller. Il faut arrêter cette hémorragie dans le cadre d’exploitation minière dans le nord du pays » clame Rahmar. Une affaire à suivre.
Youssouf Sériba