Santé publique : zoom sur la Lutte contre les Maladies Tropicales Négligées au Niger entre avancée et défis

Santé

Pays subsaharien avec un indice de développement humain le plus bas du monde après le Tchad et le Soudan (PNUD 2022), le Niger poursuit ses efforts dans l’élimination des MTN, ces maladies qui touchent les populations pauvres de la planète. Après le ver de Guinée en 2013, d’ici quelques mois, le Niger pourrait être déclaré indemne à l’Onchocercose une maladie des yeux et de la peau causée par un ver appelé Onchocerca volvulus. Malgré ces avancées notables, la lutte contre les MTN est quelque peu plombée par le problème d’accès à l’eau et le manque de latrines dans certaines contrées du pays.

Alors que le monde entier célèbre ce lundi 30 janvier la journée mondiale de lutte contre les Maladies Tropicales Négligées, le Niger franchit un nouveau cap dans le cadre de cette lutte. Selon Dr Alambeye Aminatou Vice-coordinatrice du Programme Nationale de Lutte Contre les Maladies Tropicales Négligée (PNLMTN) « le Niger va transmettre à l’OMS dans les prochains un dossier pour la certification du pays comme indemne à l’Onchocercose ». Ceci constitue un pas de plus vers les objectifs fixés par la feuille de route de l’OMS sur les MTN 2021-2030. Celle-ci vise l’élimination des MTN au moins dans 100 pays à travers le monde à l’horizon 2030.

Dr Alambeye Aminatou (EDN)

En ce qui concerne le Niger, sur les 20 MTN reconnus par l’OMS 10 avaient été identifiées par le pays selon le PNLMTN. En plus de l’élimination du ver de Guinée et celle de l’Onchocercose déjà acté par le ministère de santé publique, on note des résultats satisfaisant en ce qui concerne la Filariose Lymphatique. « On est passé de 54 districts (sur 72) endémiques à un 1 district endémique à la Filariose en 2022 situé dans la région de Maradi » fait savoir la Vice-coordinatrice du PNLMTN.

En ce qui concerne le Trachome, le pays est passé de 62 districts sanitaires endémiques à 7 districts en 2022, apprend-on.

Sur un plan global, « après les activités de l’année 2022 le Niger ne compte que 352 000 personnes vivants dans les zones endémiques à la Filariose Lymphatique et 1 400 000 personnes dans les zones endémiques au Trachome sur une population de 24 millions d’habitants » nous indique de son côté Mohamed Lamine Yattara expert sur les MTN à HKI. Pour en arriver à ce stade, depuis 2007 le ministère de la Santé publique, de la Population et des Affaires Sociales, à travers le PNLMTN a mis l’accent sur la distribution de masse de médicaments sur l’ensemble du pays. 

Réunion de travail du PNLMTN (EDN)

Toutefois, ces résultats n’occultent pas les difficultés qui entravent ou même annulent les efforts de l’État et ses partenaires dans le cadre de cette lutte. Il s’agit des problèmes d’accès à l’eau potable et le manque de latrines pour les populations vulnérables notamment pour les populations sur les sites de déplacés à travers le pays. C’est le cas des ménages sinistrés des inondations d’août 2020. Installées sur le site Hippodrome depuis deux ans aujourd’hui, ces familles sont confrontées à un manque criard de toilette.

Constat désolant sur le site des sinistrés à l’Hippodrome…

La défécation à l’air libre au Niger ce n’est pas que dans les zones rurales. En plein cœur de la capitale Niamey à l’Hippodrome le site qui abrite les sinistrées des inondations de la saison pluvieuse de 2020, plusieurs dizaines de ménages vivent dans des conditions d’hygiène abjectes.

Abdou Adamou sinistré (IMS)

Des dalles posées sur un trou creusé dans le sol sablonneux en guise latine et des morceaux de plastiques donnant un semblant d’intimité se confondent aux concessions à perte de vue. Ici, c’est une vingtaine de personnes pour une latrine, une situation qui constitue un terreau fertile pour les MTN. « Notre principale préoccupation sur ce site, c’est le manque de toilette. Les latrines faites en matériaux précaires lors de notre installation se sont toutes effondrées en quelques mois. Nous essayons de creuser des trous dans le sol pour poser les dalles et mettre quelques morceaux de pagne collectés auprès des femmes. Nous reprenons la même chose à chaque fois et cela fait deux ans que ça dure » nous explique Abdou Adamou un patriarche rencontré sur le site.

La situation est encore plus insupportable pour les femmes et les jeunes filles qui doivent partager ces latrines avec des hommes et avec tous les risques que cela comporte.

Une situation gênante que dénonce Hadjara Adamou une mère de famille vivant sur le site. « Il y a quelques jours, nous avons cotisé 1500 FCFA avec les ménages aux alentours pour bricoler nos latrines pour ne pas faire nos besoins à découvert. Nous sommes plus de 20 personnes personne à utiliser ces latrines vous imaginez ? » se désole Hadjara qui en appel à l’aide. « Nous demandons aux autorités, aux ONG et aux leaders d’opinion de nous assister en vue d’une meilleure condition d’hygiène dans nos ménages » a-t-elle lancé. Un appel qui mérite d’être entendu.

Site sinistrés hippodrome (IMS)

 « Agir maintenant, agir ensemble, investir dans les maladies tropicales négligées » …


C’est en effet le thème de la 4e Edition de la journée mondiale de lutte contre les MTN célébrée le lundi 30 janvier. Au cours des activités de cette journée organisée par le PNLMTN, plusieurs intervenants ont souligné l’important de mobilisation de tous à l’action en faveur de la lutte contre les MTN. « Chacun de nous doit accorder une attention particulière aux MTN afin de contribuer à une prise en charge globale et universelle des personnes qui en souffre » a déclaré la Représentante résidente de l’OMS au Niger Dr Anya Blanche dans son allocution lors de la cérémonie.
Dans cette mobilisation, les jeunes doivent jouer un rôle capital indique pour sa part Mme Yacine Djibo Directrice Exécutive de l’ONG Speak-UP Africa, une organisation qui appuie le Niger dans la lutte contre les MTN à travers divers appuis aux PNLMT. « Il est indispensable que nous mettions en place dans nos pays des espaces de discussions sur les MTN dédiées aux jeunes afin que ceux-ci puisse apporter leurs concours dans l’éradication de ces maladies conformément à la feuille de route 2021-2035 sur les MTN » explique Mme Yacine.

Yacine Djibo Directrice Exécutive Speak-Up Africa


Pour ce faire, le Secrétaire Général du ministère de la Santé publique Dr Ibrahim Souley rappel de son côté l’importance du financement pour la lutte contre les MTN. « Alors qu’elles touchent 1,7 milliard de la population mondiales, les MTN ne bénéficie que de 0,6 % du financement mondiale consacré à la santé » fait remarque le Secrétaire général du ministère de la santé pour qui cette iniquité doit être remédier pour un meilleur déploiement des stratégies devant permettre d’aller résolument vers l’éradication des MTN à l’horizon d’ici 2030.

Youssouf Sériba

Ce reportage a été produit avec l’appui de l’ONG Speak-UP Africa.