Début d’exploitation de la mine de Dasa : la fin de 50 ans de monopole français sur l’uranium nigérien

Environnement Gouvernance Mines

Après de longues années de recherche suivies de négociation, le gisement d’Uranium de Dasa situé à Tchirozerine(region d’Agadez) a été officiellement mis en exploitation le samedi 5 novembre. Le premier tire d’abattage a été effectué lors d’une cérémonie présidée par le Premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou sur le site de la Mine à 130 km d’Arlit.  C’est au Canadien Global Atomic Corporation que le gouvernement a accordé l’exploitation de cette mine  importante pour la relance économique du pays avec 1 400 tonnes attendues à l’horizon 2025.

La société canadienne a créé pour l’occasion, une branche locale au Niger qui a été baptisée société des mines de Dasa (Somida) dont elle détient 80 %  de parts et 20 % pour l’État du Niger. Un nouveau deal minier qui consacre la fin d’un demi-siècle de monopole exercé par la France sur l’uranium nigérien sans plu value.  

Au cours d’un entretien avec le président Mohamed Bazoum au mois de septembre 2022, le directeur général de Global Atomic Corporation, Stephen Roman, avait déclaré que la mine de Dasa représentait un grand projet pour le Niger sans préciser les retombées financières pour le pays.

Du côté des populations, les attentes sont grandes, dans un contexte marqué par un fort sentiment anti-français, elles espèrent que le groupe canadien fera mieux que le groupe français Orano Mining dont la présence au Niger a été longtemps décriée.

La fin d’un monopole sans plu value…

Le géant de l’atome français Orano Mining a détenu pendant un demi-siècle un quasi-monopole sur l’exploitation de l’uranium nigérien alors que le taux d’électrification du pays stagnait à 15 % selon un récent classement de la commission de l’Union Africaine, un taux parmi les plus faibles du continent. Au plan sociale,  les 50 ans d’exploitation d’uranium par la France au Niger à travers ses deux filiales à savoir la Société minière de l’Aïr (SOMAÏR) et la Compagnie minière d’Akouta (COMINAK) n’a pas apporté un changement significatif dans la vie des populations, pas même celles des cités minières d’Arlit. Après l’épuisement  annoncé de la mine  de Cominak suivie de la fermeture de celle-ci le 31 mars 2021, plus de 800 ouvriers sont laissés sur carreau sans droits légaux pour la plus grande majorité. Un collectif parmi ses ouvriers a annoncé en aout dernier des poursuites contre la société Cominak afin d’exiger leurs droits légaux de licenciement.

Derrière ses échecs sociaux se cache une catastrophe environnementale générée par tant d’années d’extraction d’uranium à Arlit, il s’agit des bassins d’exhaures et des eaux usées, et plus de 20 millions de tonnes de résidus radioactifs. Le réaménagement du site (Rds) engagé peu après la fermeture de la mine, suscite plusieurs inquiétudes du fait du non-respect des normes et standards en vigueur. En janvier 2022, il a couté la vie à 2 personnes lors du démantèlement de l’usine et plusieurs autres blaisées. Presque un an après, l’enquête ouverte n’a donnée aucune suite à ce drame.

Au demeurant, Orano Mining continue d’exploiter la mine de Somair  et reste détenteur de l’exploitation du gisement d’Imouraren le plus fourni en Afrique dont la mise exploitation est porté à sine die. 

Des inquiétudes au cœur de la nouvelle aventure…

Même si l’arrivée des canadiens dans le secteur uranifère nigérien suscite beaucoup d’espoir, elle n’est pas exempt de critique. Selon les acteurs de la société civile spécialisée sur les questions minières il y a des doutes sur la volonté de Global Atomic de proposer au Niger une meilleure exploitation de son uranium. Des griefs relevés contre Somida font croire que cette société va vers une réplique des échecs de la Cominak. 48 heures après le lancement de son exploitation, la Coordination de la Société civile d’Arlit cité minière du Niger a rendu une déclaration dans laquelle elle dénonce des entorses aux procédures à respecter avant l’ouverture d’une exploitation conformément au code minier.

Selon elle « l’étude d’impact environnemental était  sur mesure, sans la participation de la population concernée par le projet. Cette étude ne prévoit aucun fonds pour le réaménagement du site ou pour les générations futures » peut-on lire dans la déclaration.

Aussi, ce projet n’a pas pris en compte de l’indemnisation  des populations vivant sur l’espace confisqué apprend-on.

Anciens cadres des mines d’Arlit pour la plupart, les  auteurs de la déclaration ont aussi dénoncé l’exclusion des jeunes de la région, de l’ignorance et de la marginalisation des communautés et des chefs traditionnels  vivant dans la zone.

Toutes ses raisons et biens d’autres sur lesquelles nous reviendrons laissent croire que la mine de Somida comme celles détenues par les français ne sera pas bénéfiques aux populations.

Youssouf Sériba