Gourou Banda : licenciements abusifs, et rupture d’approvisionnement, les absurdes raisons du retard d’inauguration de la centrale photovoltaïque

Gouvernance

La centrale photovoltaïque 30 MW de Gourou Banda ne sera pas inaugurée le 2 avril comme prévu. Un désagrément pour les populations et pour le président de la République Mohamed Bazoum qui a voulu s’offrir un joli cadeau d’anniversaire aux commandes de l’État en pressant l’interrupteur des 30 MW le jour anniversaire de ses deux années passées à la tête du pays. La centrale ne sera peut-être pas réceptionner par la Nigelec en mai prochain comme convenu dans les termes du contrat. Pour cause Sagem Com & Énergie, au mépris de ses obligations s’est permis le luxe d’un certain nombre d’agissement qui ont eu pour conséquence première le retard dans l’inauguration du joyau tant attendu par les populations des régions du fleuve.

Les populations des régions du fleuve à savoir Dosso, Niamey et Tillabéry vont devoir passer à nouveau un mois d’avril sous les affres de la canicule avec la tyrannie des délestages tant redoutés dont la Nigelec est passée maître. Les 30 MW de la centrale photovoltaïque de Gourou Banda qui devrait être inauguré le dimanche dernier 2 avril pour atténuer ces coupures intempestives a manqué au rendez-vous.

Sagem Com & Énergie, Maitre d’œuvre du chantier, met les bouchés doubles depuis quelques jours pour rattraper ce glissement de délai d’inauguration. Pourtant, l’ex-fabricant de décodeurs pour Canal+ du Groupe Bolloré est l’artisan du retard qu’elle tente de rattraper par tous les moyens y compris certains peu recommandables qui auront immanquablement un impact sur la qualité de l’ouvrage. Depuis septembre 2022, date à laquelle le projet a été lancé, les travaux se déroulaient normalement avec un effectif d’un peu plus de 300 travailleurs (ouvriers et ingénieurs) selon les chiffres donnés par Sagem Com. Par jour, les équipes parvenaient à poser une dizaine de tables (assemblage de panneaux solaires) et en moyenne un string (îlot de tables) en trois jours nous confie une source interne. Un rythme de travail prédéfini qui aurait pu permettre aux travaux d’arriver à terme en fin mars afin que la centrale soit en opérationnelle le 2 avril. 

Vue du chantier en construction

Malheureusement, les travaux ont commencé à chanceler trois mois avant le délai imparti (2 avril) au mois de janvier précisément. C’est à cette période critique que Sagem Com a cru nécessaire de se débarrasser de 84 ouvriers qui avaient réclamé leurs droits.

84 ouvriers licenciés abusivement…

Le 10, janvier 2023, 84 ouvriers du site travaillant pour Sagem Com ont été remercié par celle-ci. Tous, des jeunes techniciens nigériens recrutés pour le compte de la société française par Tempo un cabinet dont les vrais propriétaires sont tapis dans le Gouvernement, ces 84 ouvriers ont perdu leur emploi pour avoir réclamé un contrat et une inscription à la sécurité sociale. Toute vérification faite par nos soins, aucune faute de conduite valable ni un quelconque grief n’a été reproché à ces jeunes qui représentent environ 36% de l’effectif total des travailleurs. Leur seul tort était de demander à ce que la loi soit respectée. En effet même en cas de sous-traitance, il est impensable qu’une multinationale comme la Sagem Com puisse recruter des ouvriers sans contrat ni sécurité sociale. Du reste, pourquoi licencier abusivement un tel effectif de travailleurs sur un projet très attendu avec toutes les conséquences que cela pourrait occasionner sur le bien-être des populations ainsi que sur l’économie?

Anonyme

Selon une des victimes, « Sagem Com craignait qu’il ait un effet d’entraînement, que d’autres ouvriers se mettent à réclamer plus de droit. Nous avons été sacrifiées pour dissuader toute velléité de réclamation » indique notre source. Malgré la pression et les heures supplémentaires auxquelles la société a encouragé les ouvriers pour cacher les impaires commises, l’inévitable s’est produit le chantier est en retard d’inauguration depuis le 2 avril.

En fin février, dans un rapport de routine, le cabinet ARTELIA recruté par la Nigelec et chargé de l’audit de la qualité des ouvrages du site relève une incohérence sur le diagramme de Sagem Com qui indique la fin des travaux deux mois avant le délai. En clair, sur le papier, les travaux sont arrivés à terme or à cette date précise, il restait encore plus de 4 500 panneaux à poser.

Entre mauvaise foi et tâtonnement, d’autres agissements ont cours sur ce chantier notamment une rupture de boulon de charpente qui a paralysé les travaux durant des semaines, des passe-droits et bien d’autres gangrènes symptomatiques du retard de livraison et qui ne seront pas sans conséquence sur la qualité de l’ouvrage. Nous y reviendrons.

Youssouf Sériba