Alors qu’elle est accusée de ne pas consacrer suffisamment d’investissement au Niger au mépris du cahier de charge à elle affectée par le Conseil Supérieur de la Communication (CSC), Canal+ Niger semble être prise en flagrant délit de pillage des maigres ressources de ses abonnés par de moyens moins commerciaux que mafieux. En effet de grave soupçon de fraude parafiscale pèsent sur le mania français de la télévision payante Canal+ au Niger. Les faits portent sur les taxes sur les abonnements audiovisuels (TABA). La TVA de l’abonnement souscrit par le client censé être liquider en hors taxe HT depuis le premier janvier 2023 continue d’être prélever par canal+ Niger et ses distributeurs agrées en violation de la loi de finance 2023 et de l’article 321 nouveau du code général des impôts.
En novembre 2017 dans le cortège des mesures ‘’antisociales’’ instituées par la loi de finance de Hassoumi Massaoudou plénipotentiaires argentier du gouvernement d’Issoufou figuraient des mesures qui concernaient l’audiovisuel. Il s’agit de l’institution d’une taxe sur les abonnements audiovisuels (TABA). Conséquence une majoration de 500 sur l’abonnement au bouquet Access; 1000 sur Évasion et Essentielle ; 1500 sur Access+; 2000 sur Évasion+; et 4 000 sur la formule Tout canal. La pilule était à l’époque dure à avaler et les abonnés qui ne savaient pas à quel saint se vouer n’avaient pas caché leur mécontentement.
« Je trouve que Canal exagère…comme vous avez le monopole télévisuel, le client ne peut que subir et la fermer.
Cela n’est pas correct » s’emporte un abonné sur un Forum de discussion à la suite de l’annonce des augmentations. Mais cela ne sert à rien, car « De toute façon Canal ne répond jamais et ce forum ne sert à rien sinon qu’à se plaindre sans espoir de réponse des vrais coupables. Très déçu » s’exclame un autre abonné mécontent.

Cinq ans après, la loi de finance 2023 et le CGI ont supprimé cette mesure en excluant la TVA sur les abonnements audiovisuels. Publiée au Journal officiel le 27 décembre 2022 et en vigueur depuis le 1er janvier 2023, la loi N°2022-44 du 6 décembre 2022 portant loi de finance 2023 induit d’office un retour aux tarifs d’avant l’institution de la TABA, cependant force est de constater que les tarifs de canal+ demeurent inchangés trois mois après.
« Nul n’est censé ignorer la loi » sauf canal+ Niger…
Pourquoi Canal+ Niger continue-t-elle de prélever une TVA sur les abonnements en violation de la loi ? Pourquoi ce silence du régulateur CSC? Y a-t-il encore des organisations de défenses de droits des consommateurs au Niger ? A qui profite cette situation ? Quid de la justice ? Telles sont entre autres questions qui découlent des faits. Pourtant, comme pour attirer l’attention des contribuables, dans une circulaire N°00011 en date du 13 mars, relative à l’application des nouvelles mesures fiscales introduites par la loi N°2022-44 du 6 décembre 2022 portant loi de finance 2023, la Direction Générale des Impôts a tenu à clarifier les choses. « Avec les modifications introduites, la base de calcul de la TABA est une base hors taxe excluant la TVA » peut-on lire en page 15 de la circulaire. La DGI explique les raisons de cette modification en ces termes « la modification introduite à l’article 321 octies du livre premier du CGI corrige les difficultés de liquidation de la TVA et de la TABA sur les abonnements audiovisuels du fait de l’enchevêtrement de leurs bases d’imposition ».
Ici, la base d’imposition de la TVA s’entendait avant la loi de finance 2023, toutes taxes comprises à l’exception des droits d’enregistrement. Même chose en ce qui concerne la TABA, la base d’imposition était ttc. Or malgré ces modifications Canal+ continue de prélever la TVA qui est depuis le 1er janvier exclue sur les abonnements audiovisuels comme indiqué clairement dans les dispositions précitées.
Du piment dans la télévision et dans les yeux…
Cela fait aujourd’hui précisément un trimestre entier que dure ce qui se présente clairement comme une fraude parafiscale dont se rendrai coupable la multinationale française au Niger. Les Échos du Niger a tenté de mesurer l’entendu des dégâts sur le nombre d’abonnés de Canal+ au Niger. En l’absence de chiffres rendus publics sur la base d’abonnés de la société au Niger, nous avons pu obtenir auprès d’une source interne le nombre de 102.000 abonnés (à considérer avec précaution). Sur la base de ce chiffre uniquement et rien qu’avec l’abonnement à la formule Acess Canal+ et ses distributeurs se sont octroyé illégalement plus de 153 millions de FCFA, soit un peu plus de 230 000 euros sur le dos des abonnés.

On comprend à présent le discours du 28 février dernier du président français Emmanuel Macron face au patronat français qu’il a lui-même accusé de ne pas jouer franc jeu en Afrique. Ce qui est rassurant, il a indiqué qu’il n’allait plus protéger ces entreprises qui n’honorent pas le Made in France au prétexte qu’elles s’adaptent aux méthodes de concurrents comme la Chine sur le marché africain.
S’agissant des tarifs de Canal+ en Afrique, il ressort d’une comparaison faite par Échos du Niger sur les différents tarifs des bouquets dans la sous-région que tous les pays francophones en Afrique de l’Ouest ont des tarifs harmonisés excepté le Niger. Au Mali, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Cameroun, au Burkina Faso, au Benin au Togo, les tarifs sont respectivement de 5 000 FCFA pour la formule Acess; 10 000 pour Évasion ; 20 000 pour Évasion+ et 40 000 pour Tout canal. Au Niger, ces montant sont majorés respectivement de 500 FCFA; 1 000 ; 2 000 ; et 4 000 FCFA. À qui profite le crime ?
Youssouf Sériba