Insécurité à Maradi, « Il y a du feu sous le toit, il ne faut pas le cacher. »

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Alors que l’armée se bat contre le terrorisme sur le front de l’Est dans la région de Diffa et celui de l’Ouest à Tillabéry (située à une cinquantaine de kilomètres des portes de la capitale Niamey), la région de Maradi (centre-sud) poumon économique du Niger est devenue le théâtre d’une forme d’insécurité hybride qui endeuille dans un silence public. Des groupes armés constitués dans les départements de Guidan-Roumdji, et Madarounfa troublent la quiétude des paisibles populations sur fond de rapts, vol de bétail et de tueries tous azimuts. Cette situation a causé 20.000 déplacés internes entre 2017 et 2020 selon une étude d’International Crisis Group sur cette partie du pays présentée comme « un foyer insurrectionnel ». Depuis deux ans, la situation dans ces localités de Maradi a empiré.

« Il y a du feu sous le toit, il ne faut pas le cacher », c’est la métaphore qu’a eue M. Saadou Ibrahim, Secrétaire Général du Gouvernorat de Maradi pour illustrer la situation le 13 septembre dernier au lendemain de l’assassinat du nommé Ali Chaibou, chef du village de Dogon Marke situé dans la commune rurale de Gabi. Dans la nuit du dimanche au lundi 12 septembre, ce chef de village a été froidement assassiné par des hommes armés selon les informations rapportées par la Mairie de Gabi. On apprend également que cette même nuit, 8 autres personnes ont été kidnappées dans ledit village. Cette attaque est la nième du genre perpétrée dans cette zone depuis le début de l’année 2022.

Cartographie de la situation (Crisis Group)

Plus récemment, dans la nuit du dimanche au lundi 31 octobre, trois (3) policiers ont trouvé la mort dans une attaque dirigée contre un poste de police de Dabira une localité située dans la commune de Madarounfa. En deux mois (entre septembre et octobre), la région de Maradi a enregistré une dizaine d’attaques ayant occasionné 8 morts et 26 personnes enlevées parmi lesquelles 19 femmes et enfants au niveau de 5 villages situés dans les départements de de Guidan-Roumdji et Madarounfa. Si l’on y prend garde cette situation peut connaître un engrenage dans toute la région met en garde Crisis Group une organisation de Monitoring des conflits dans le monde. Dans son rapport publié en avril 2021, intitulé « Sud-ouest du Niger : prévenir un nouveau front insurrectionnel » Crisis Group appelait à prendre les mesures afin de ne pas abandonner les localités touchées aux mains des extrémistes. Et si des efforts ont été faits, ils n’auraient pas permis de ramener la quiétude dans cette portion du territoire national. « J’ai instruit les autorités de renforcer l’effectif militaire qui est déjà en place pour fermer la frontière » a déclaré le président de la République Bazoum Mohamed à Gabi en août 2021 lors d’une visite de trois jours menée dans les départements de Guidan-Roumji et Madarounfa, une visite pour trouver des solutions à l’insécurité surplace avec le commandement militaire.

Si au tout début ces attaques sont du fait de bandits armés basés du côté nigérian de la frontière désormais, ce sont des jeunes des localités concernées qui troublent le sommeil des paisibles citoyens dans les villages des départements de Madarounfa et Guidan-Roumji. Dans sa conclusion, le rapport de Crisis Goup indique : « À la frontière entre le Niger et le Nigéria, le grand banditisme s’intensifie et se transforme de manière inquiétante, laissant présager l’apparition de situations insurrectionnelles dont pourraient profiter des groupes djihadistes en quête de nouveaux territoires ». En cause, « le sentiment d’injustice dont souffrent les éleveurs » soulignait le rapport. Le vol de bétail devenu monnaie courante dans cette zone fait de plus en plus de victimes parmi les éleveurs qui ont parfois recours aux armes à feu pour se défendre.

D’où viennent ces armes… ?

Selon Crisis group « la crise libyenne a favorisé une économie de guerre basée sur des trafics et flux illégaux (carburant de contrebande, drogue) provenant du Nigéria ». Dans le sens inverse, « un flux d’armes de guerre issues des stocks de l’ère Kadhafi alimente, depuis la Libye, les groupes criminels nigériens et nigérians ». Ce banditisme selon le rapport d’étude, s’est transformé et a donné naissance à de nouvelles formes de violence, notamment sous l’influence d’une crise du pastoralisme qui frappe durement les pasteurs dans la bande sud de la région de Maradi. La situation mérite une prise en charge rapide et des efforts conjugués nous fait savoir le SG du Gouvernorat de Maradi Saadou Ibrahim « Nous sommes tous exposés et nous pouvons être tués un jour et donc, nous avons pensé à la sensibilisation. C’est la seule arme qui permet de solutionner ce problème », a-t-il déclaré à notre micro. Selon lui, il y a lieu de discuter avec les populations et surtout « de sensibiliser la masse » afin que chacun soit acteur de sa propre sécurité. C’est ainsi qu’il en appelle à l’implication de presse « nous avons besoin de vous pour attirer l’attention des gens afin que quelque part, nous n’ayons pas à nous comporter nous-même de sorte à constituer un danger » exhorte le SG du Gouvernorat.

Pour Nassirou Ibrahim chef du village de Tsosamia situé dans le département de Guidan-Roumji, on ne peut résoudre ce problème sans la création d’opportunités d’emploi pour le jeunes. « c’est le manque d’occupation qui pousse nos jeunes à s’adonner à ce grand banditisme. Certains quittent le village pour la recherche d’un meilleur avenir dans d’autres pays de l’Afrique mais à leur retour il sombrent dans ma délinquance faute d’emploi ni de commerce » à déclaré le chef de village à notre micro. A l’image de la région de Diffa où l’Etat avec l’appui de ses partenaires met en œuvre des politiques de formation aux métiers, cette partie de la région de Maradi appel à une opération de ce genre pour renforcer les solutions militaires insuffisantes en cours dans la région et éviter la métastase.

Youssouf Sériba