Niger : la lutte contre les maladies tropicales négligées, tributaire d’un faible accès à l’eau en zone rurale

Hydraulique Santé

Au Niger, les Maladies Tropicales Négligées (MTN) font partie des problèmes de santé publique préoccupante au vu de ses conséquences sur les personnes affectées à savoir défiguration et handicap. Selon le Programme National de Lutte Contre, les Maladies Tropicales Négligées, environ 15 millions de Nigériens (sur les 25 que compte le pays) nécessitent un traitement préventif contre ses maladies. Ayant pour cause principale le manque d’hygiène, des gestes simples permettent de se prémunir contre elles : le lavage des mains à l’eau et au savon. Cependant, quand certaines populations méconnaissent l’importance du lavage des mains, dans certaines zones, c’est l’absence d’infrastructures hydrauliques qui empêche son accomplissement. Reportage

Les maladies tropicales négligées (MTN) sont un groupe de dix-sept (17) pathologies qui sévissent principalement dans les zones tropicales à l’image du Niger. Il s’agit de la lèpre, le Trachome (maladie cessitante), les Tréponématoses, la Trypanosomiase (maladie du sommeil), la Dracunculose (ver de Guinée), les trématodoses, la Filariose lymphatique, l’Onchocercose, la Bilharziose (Schistosomiase) et les Géohelminthiases (vers intestinaux), la Dengue, la Mycétome, les Géohelminthiases, la Rage, l’Ulcère de Buruli, le Pian, la Leishmaniose. Selon l’OMS, elles touchent plus d’un milliard de personnes au monde parmi les populations les plus pauvres.

Au Niger, selon le Programme National de Lutte Contre les Maladies tropicales Négligées (PNLCMTN), quatre (4) MTN touchent le plus de personnes à savoir le trachome, la Trypanosomiase, la Lèpre et la Filariose lymphatique. Le Gouvernement s’est fixé l’objectif de les éradiquer à l’horizon 2025, un objectif ambitieux qui passe par le renforcement de l’hygiène publique et l’assainissement. Cependant, le défi est immense tant l’accès à l’eau qui constitue le socle de toute politique d’hygiène fait défaut en zones rurales où vit 83 % de la population selon le dernier RJPH de 2012.

Dans ces zones, seulement 45 % de la population a accès à l’eau (rapport de suivi Proseha 2016-30). Ainsi, ce faible accès à l’eau qui touche toutes les huit régions du pays constitue un terreau fertile pour les MTN.

Lépreux, « je me lavais rarement les mains avant les repas»… 

Située à 614 km de Niamey, la région de Maradi fait partie des régions les plus touchées par les MTN.

Au quartier Limantchi un bidonville de chef-lieu de la région, Mahamadou Ousmane âgé de 65 ans nous relate comment il a été affecté par la lèpre. « Cette maladie, je peux le dire aujourd’hui, je l’ai contracté par mégarde aux principes d’hygiène notamment le lavage des mains qui n’était pas une habitude chez moi. Depuis que j’étais enfant, pendant les heures de repas, je me lavais rarement les mains avant de manger, pour moi, cela n’avait pas d’importance. ‘’Tout ce qui ne te tue pas te rend plus fort’’  c’était ce que disait nos parents eux-mêmes comme pour nous encourager dans ce sens, cela nous confortait dans cette façon d’être » nous a-t-il confié.

Or, sans en avoir conscience, Mahamadou Ousmane analphabète comme ses deux parents, mettait sa santé en péril. « J’ai contracté la lèpre quand j’avais 25 ans, c’était juste avant mon mariage peu après la cérémonie du henné, j’ai commencé à sentir des douleurs dans ma pomme sans trop m’inquiéter en me disant que ça va passer ce n’était pas le cas. Devant la persistance de la douleur qui devenait plus pressante, je me suis rendu à l’hôpital pour consultation, c’est là qu’on a diagnostiqué la lèpre » déclare Mahamadou.

Depuis lors, il a pris connaissance auprès des médecins et les services de prise en charge des MTN l’importance de l’hygiène pour la santé, particulièrement le lavage des mains, malheureusement pour lui, c’était trop tard, il était déjà affecté. Depuis ce temps, il milite au sein de l’Association des personnes lépreuses (APL) de Maradi dont il est devenu le président depuis mars 2021.

Œuvrer dans ce cadre de bénévolat est une façon pour lui de se rendre utile à la société et sensibiliser les populations sur les MTN, dit-il. « Je ne voulais pas tomber dans la mendicité comme la plupart des lépreux que nous voyons à Maradi. Et avec certaines ONG j’ai participé à des campagnes de sensibilisation sur le lavage des mains et sur l’hygiène de façon générale, c’est une fierté pour moi » a-t-il déclaré avant d’inviter les populations de Maradi à faire du lavage des mains, un reflex de tout instant.

L’eau potable, ‘’un vaccin maison’’ contre les MTN…

Les mauvaises conditions d’hygiène environnementale, sont parmi les principales causes de prolifération des MTN en milieu rural. Dans ces zones, « la défécation à l’air libre et le manque d’infrastructure d’assainissement rend les sols contaminés par des multitudes de bactéries y compris celle porteuses de MTN » nous explique Ousmane Yacouba chef de brigade régionale de la police sanitaire à la DRSP de Maradi. De ce fait, « il faut se laver les mains avant de manger, après avoir déféqué, avant de préparer les aliments. C’est une méthode de lutte très efficace contre les MTN, c’est pourquoi nous disons dans le jargon de l’hygiène publique que l’eau est un vaccin maison contre les MTN, mais encore faut-il qu’elle soit potable » fait savoir le chef de brigade de la police sanitaire de Maradi.

Du reste, le lavage des mains, est conseillé pour les adultes, les enfants, il est recommandé au service, à domicile, au marché, à la boutique avant toute œuvre humaine de nature propre c’est-à-dire en relation avec l’alimentation, ou en relation avec le contact corporel, conclut Mahamadou Ousmane. Cependant ces recommandations sanitaires ne sauront être pratiquées par une grande majorité de la population rurale nigérienne du fait du manque d’accès à l’eau.

L’accès à l’eau un défi au Niger…

Au Niger, moins d’une personne sur deux en zone rurale a accès à l’eau potable, d’où le manque de lavage de mains dans certaines zones. C’est que nous explique Hamani Dji, âgé de 45 ans un lépreux natif du village de Kokmani (région de Tillabéry dans l’Ouest du Niger). « Au village, le lavage des mains n’était pas quelque chose d’important. Pour notre alimentation, et nos besoins quotidiens, nous utilisons l’eau du fleuve » déclare Hamani. Depuis qu’il a contracté la lèpre, il est venu s’installer à Niamey enfin d’avoir une meilleure prise en charge et profiter de la qualité de vie qu’offre la capitale nous dit-il. 

Nombreux sont les villages où le manque de point d’eau potable oblige les populations à se résoudre à la consommation des eaux de mare et de fleuve avec les risques que cela comporte, c’est le cas du village de Tsosamia.

Situé à environ 80 Km de Maradi, dans le département de Guidan Roumdji, ce village est illustratif de ce problème d’accès à l’eau qui freine la lutte contre les MTN en zone rurale. D’une population de plus de 3 000 habitants, les ménages de ce village s’alimentent avec l’eau du Goulbi (mare). « Depuis deux ans aujourd’hui notre plus grande préoccupation, c’est avoir de l’eau potable, le puits que nous avons ne procure plus de l’eau potable. L’alimentation en eau potable est devenue un problème même pour le CSI du village » nous explique Nassirou Ibrahim chef du village Tsosamia.
Rabiou Abdou un jeune du village a trouvé une opportunité dans cette situation, il va puiser de l’eau à Tsamia Iyaka, un village voisin situé à environ 7 km pour la revendre dans son village. Il vend la barrique à 200 FCFA, un magot que très peu de ménages sont prêts à débourser pour se procurer de l’eau potable préférant s’approvisionner avec l’eau de la mare.

Rabiou Abdou vendeur d’eau


A la Direction Régionale de l’Hydraulique de Maradi nous avons tenté d’en savoir plus sur ce manque de point d’eau, mais c’était sans succès. Le chef du service Hygiène et Assainissement Yaou Zoumbay quant à lui appelle les populations à ne pas négliger le lavage des mains, « il y a des moments critiques où il faut forcément se laver les mains, tels que : quand on sort des toilette, quand la maman veut allaiter son enfant, avant le repas surtout pour les enfants » indique le responsable de l’Hygiène et l’Assainissement de la Région de Maradi.

Youssouf Sériba

Ce reportage a été réalisé avec l’appui de l’ONG Speak-Up Africa.